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Édredons

2018-2019

Édredons est un projet participatif qui a mobilisé durant plusieurs mois des adolescents du Programme Jeunesse Gaspésie/Les Îles et des adultes habitant la pointe gaspésienne. J’ai amorcé des ateliers d’art pour huit jeunes, déployant avec eux une inspiration commune à des assemblages de coton, puis j’ai invité la collectivité à matelasser ces derniers.

 

Depuis 2014, je crée des objets textiles qui sont autant de traces subtiles de rencontres, révélateurs de la fragilité inhérente des projets participatifs. Cette nouvelle création s’est conçue auprès de ceux qui habitent ma région : collage, art textile, improvisation théâtrale, écriture et dessin étaient d’abord proposés aux participants. Ponctué d’une série de rencontres dans différentes communautés, le lien singulier avec les adolescents, puis les adultes qui ont matelassé les objets se poursuit auprès des spectateurs. Édredons échappe à une simple délimitation sociale pour s’ouvrir à une réflexion élargie sur le rapport à l’autre, chaque forme générée est ainsi porteuse d’une dimension empathique. De même, le ressenti venant de l’expérience de chacun pendant le processus collectif de construction marque chaque geste opéré.

 

Accompagnés par un personnel généreux, néanmoins surchargé et sujet aux mutations, certains adolescents ont composé avec des soucis qui ont remis en cause leur implication. J’exprime ici ces difficultés avec parcimonie et pudeur, mais aussi avec transparence envers ma démarche que je veux fidèle à la trajectoire empruntée, faite de manques, d’interruptions, de recommencements. L’absence qui s’est manifestée devient une caractéristique importante de l’expérience. Le projet a donc cheminé à l’intérieur de ces limites mouvantes : il me restait à trouver comment faire image à partir de ce qui n’est plus.

 

D’autres adolescents ont contribué au programme avec vigueur, réalisant plusieurs échantillons. J’extrais délibérément certaines compositions, couleurs ou formes récurrentes de ces répertoires, afin de dégager des constantes individuelles pour créer chaque tableau. À partir de trames blanches de fibres de bois, je retire plusieurs fils, puis je borde ces nouvelles ouvertures par du fil de coton, créant des broderies ajourées. Alors que les ateliers avec les jeunes s’achevaient prématurément, je me suis réfugiée dans cet ouvrage minutieux et personnel. Ce dernier s’intègre maintenant aux tableaux, révélant les tissus sous-jacents ou parfois même la bourrure habituellement cachée.

Édredons prend ainsi la forme de compositions souvent déséquilibrées où s’exposent de grands vides. Des manques transparaissent, par des trous découpés dans les aplats de coton ou des omissions à certaines extrémités, laissant croire à des dimensions mal calculées. Ces jeux entre différents textiles superposés révèlent alors à l’œil cette absence sous-jacente qui habite les tableaux. Alors que chacun de mes gestes est en même temps une tentative de palier à celle-ci, Édredons évoque cette tension continuelle entre ce qui apparait et menace de disparaitre, à l’image de la silhouette des objets. Ces figures rappellent les lumières qui entrent par l’ouverture de fenêtres le soir, projettent des quadrilatères sur les murs des chambres avant de s’évanouir. Si chaque tableau suggère la couverture qui réchauffe l’enfant qui dort qui rêve, et réfère à l’univers domestique, il ouvre aussi à la dimension onirique du rêve éveillé et de la solitude de tout un chacun.

Partenaires du projet

Conseil des arts et des lettres du Québec, Centre intégré de santé et de services sociaux de la Gaspésie (Direction de la protection de la jeunesse), Fondation du Centre jeunesse Gaspésie/Les Iles, Carrefour Jeunesse-Emploi MRC Côte-de-Gaspé, Improvisation Gaspé, Cellule interculturelle (Cégep de la Gaspésie et des îles, Campus de Gaspé), Centre communautaire Douglas community center, Cercle des fermières de Gaspé, Cercle des fermières de Bridgeville.

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